La journaliste Judith Duportail vient de publier “L’amour sous algorithme” (editions Goutte d’or), une enquete eclairante sur l’application star de rencontre Tinder.

Apres une rupture ardu, Judith Duportail s’inscrit en 2014 sur le site de rencontre Tinder, qui connait votre franc succes depuis le arrivee en France l’annee precedente. Alors agee de 28 annees, la journaliste espere y tomber sur l’amour. Un jour, elle decouvre que l’application attribue a chaque utilisateur une note, un Elo score. Interloquee, elle decide d’enqueter Afin de trouver la sienne. Dans le meme temps libre, de match en match (quand 2 profils se connectent pour entamer une discussion), la petit femme enchaine nos deceptions amoureuses et decouvre la brutalite des relations issues du dating (rencontres liee a l’application). Au fur et a mesure, celle-ci en apprend legerement plus sur De quelle fai§on fonctionne Tinder et son terrible algorithme. Le livre qu’elle vient de publier a l’issue de ce reportage virtuel au long cours, L’amour sous https://besthookupwebsites.org/fr/inner-circle-review/ algorithme, est a la fois un avis tres personnel et une enquete qui eclaire autant sur “l’app” que sur les relations amoureuses contemporaines, des difficultes affectives que rencontre aujourd’hui une celibataire approchant la trentaine.

Marianne : Selon vous, Tinder reproduit le “modele patriarcal des relations heterosexuelles”. En quoi ?

Judith Duportail : Cela s’agit d’une citation d’une chercheuse suisse en humanite digitale, qui s’appelle Jessica Pidoux. C’est la premiere a avoir mis la main sur le brevet de Tinder. Cela s’agit d’un document de 27 pages qui explique le sens du “swipe” (1), du “match” (2), etc. il convient savoir qu’un brevet reflete ce qu’une firme va faire, aussi ce qu’elle se reserve l’occasion de faire, mais pas toujours ce qu’elle est occupe a faire. Celui de Tinder decrit un systeme de notation tres sophistique. Vous pourrez etre note sur votre physique, mais pas juste. Entrent egalement en jeu la intelligence, votre niveau d’etudes et ce niveau de revenus. Et les hommes et les femmes pourront etre evaluees differemment. Un homme qui fera des grandes etudes et gagne beaucoup d’argent a des points de bonus, alors qu’une femme avec le aussi profil. a des points malus ! Ce brevet favorise 1 systeme de couple ou l’homme domine la femme, tant en termes d’instruction que d’age ou d’argent.

Est-ce vraiment etonnant d’etre note sur Tinder, quand l’essor du numerique tend a nous creer 1 monde ou tout le monde est evalue, comme dans le fameux episode Chute libre d’une serie Black Mirror ?

Ce n’est gui?re parce que nous sommes notes sur Uber qu’il faudrait accepter de l’etre partout. Personne n’a signe de consentement Afin de etre note sur Tinder. Sur votre appli, nous sommes donc notes sans le savoir. C’est a les yeux assez revoltant. Ensuite, ceci fait echo a un millier de souvenirs : en tant que petit soeur, j’habite constamment evaluee sur le corps et mon apparence, des l’ecole primaire. Le score ramene a un sentiment que l’integralite des femmes connaissent. Mes hommes aussi, mais j’imagine moins.

En quoi Tinder est-elle une application de la societe de consommation au sein des relations amoureuses ?

J’ai promesse de Tinder, c’est de rencontrer une personne de la meme maniere que l’on prends une pizza ou un Uber. Ils ne vous disent gui?re que vous pouvez consommer les gens mais l’application empreinte l’ensemble des codes du gaming et du casino. Elle donne l’impression de ne jamais etre vraiment dans la vraie vie. Notre compte Instagram de Tinder France, avec ses petites cartes et ses petits memes, pousse au passage a voir le dating tel une espece de jeu, ou tel une grande cour de recre. En Inde, un slogan est “Adulting can wait”, en francais : “La maturite peut tarder”.

Mes autres sont promptement percus comme des objets et la sociologue Eva Illouz explique qu’on en arrive a se voir nous-memes comme des objets. J’en ai moi-meme eu l’experience, que je raconte au livre. J’habite tombee amoureuse d’un mec qui a devoile : “Je continue d’aller sur Tinder, parce que j’suis tente de voir s’il n’y a jamais mieux en magasin”. J’ai eu envie de lui crier dessus, de lui demander s’il me prend pour une boite de conserve. Neanmoins, je ne l’ai nullement fait car a i§a, j’ai passe en revue dans ma tronche toutes les autres femmes que j’imaginais sur Tinder. Comme je suis complexee, je les ai toutes imaginees parfaites et mieux que moi. Donc J’me suis ecrasee. Je pense que nous developpons encore et puis cette categorie de comportement. Car la concurrence reste En plus qui plus est exacerbee.

Est-ce que ce n’est nullement plus simplement le symptome d’une societe ou on nous fera croire que nous serons nos meilleurs, riches, celebres ? Ne sommes-nous nullement juste devenus des consommateurs compulsifs ?

Si, Tinder est une incarnation de une telle dynamique. Nous y retrouvons votre individualisme forcene. Pour defendre le interet, toutes les indelicatesses sont possibles. Notre culture du dating est tres agressive. Sous couvert de rester casual, legers, nous pouvons nous permettre toutes sortes de cruautes. Pour tenter de reperer le meilleur ou la meilleure mari, nos autres paraissent traites comme des moyens et non des fins. Mes 2 phenomenes vont de pair.

Diriez-vous que Tinder represente l’”uberisation de l’amour” ?

Notre formule reste sympathique. Elle en jette. Mais c’est i  nouveau pire. Dans notre livre, je parle ma colocataire qui se prepare Afin de un date Tinder avec lequel i§a discute depuis des semaines. Ils ont echange enormement de messages jusque-la. Et pourtant, il la plante et cesse de lui satisfaire. Cela n’a aussi nullement le respect de le lui dire. Ensuite, il la bloque ! Au moins, quand vous annulez un Uber, depuis une penalite de cinq euros a payer.

(1) Le “swipe” est le glissement, tout d’un doigt, de l’ecran vers la gauche ou vers la droite Afin de indiquer que l’ont reste interesse avec votre profil (a droite) ou non (a gauche).

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