L’application “Yellow” a ete creee par des entrepreneurs francais et rencontre un large succes chez les 12-17 annees, en France et a travers le monde. Cet outil de rencontre est assez vite devenu votre possible d’echange pornographique Afin de les adolescents, exposant ses jeunes utilisateurs a quelques risques.
Nathalie Nadaud-Albertini
Nathalie Nadaud-Albertini est docteure en sociologie de l’Ecole des Hautes Etudes en Sciences Sociales et correspondante au Centre de Recherche i propos des Mediations de l’Universite de Lorraine.
Plusieurs entrepreneurs francais ont cree l’application Yellow tres populaire en Angleterre et qui gagne du terrain en France. Cet outil reste un croisement entre Tinder et Snapchat reserve aux jeunes de 13 a 17 annees. Quels seront les dangers lies a cette application (pedophilie, pornographie infantile…) Quelles consequences chez les jeunes utilisateurs ?
Nathalie Nadaud-Albertini : Yellow expose les jeunes utilisateurs a quelques dangers. Le premier est d’etre confronte a des predateurs sexuels qui creent des comptes mensongers (des « fakes »). Effectivement, rien n’empeche un adulte de creer un compte en mentant sur le age. Aucune procedure ne vient s’assurer que votre seront beaucoup des adolescents qui ouvrent des comptes et par la suite qui echangent via cette application. Pour votre adulte ayant des tendances pedophiles, il est tres facile d’entrer en contact avec des adolescents en utilisant Yellow ainsi que les inciter a poster des photos ou des videos ou ils apparaissent denudes.
Un deuxieme risque concerne les usages par des jeunes eux-memes. C’est votre espace virtuel qui peut leur apparaitre comme une sphere de socialisation juvenile, a l’abri du regard de leurs parents, ou ils pourront « jouer a etre adultes », sans dangers, principalement en se declarant heterosexuels, gays, lesbiennes, bi a votre age ou minimum ont une connaissance aussi nette de leur orientation sexuelle. Ou en echangeant des commentaires explicitement sexuels, qu’ils soient verbaux ou en images. Pour ce faire, ils ont developpe un usage code des emoticones. Au-dela une classique aubergine (qui symbolise le sexe masculin), d’autres sont plus cryptes, tel votre chat avec une expression de surprise qui signifie que l’on souhaite voir son interlocuteur nu, ou l’emoji representant votre diable violet qui veut dire « echangeons des images et des photos ouvertement sexuelles ».
Le souci est qu’il ne s’agit gui?re d’un jeu, car cette sphere n’est pas uniquement virtuelle, elle est directement connectee a J’ai realite. C’est-a-dire que l’on n’est jamais dans un cas de medias qui entrainent dans un univers fictionnel, tel le font les films ou les series TV. Ce paraissent de vraies personnes qui sont derriere l’application, jamais des representations, pas des images, jamais des acteurs. Et c’est soi que l’on engage, que l’on expose, que ce soit par nos paroles ou nos videos. Si des propos ou des images choquent, il n’est gui?re possible de prendre du recul et de deconstruire la representation en disant que nos comportements dans la « vraie vie » paraissent multiples de ce que l’on voit a l’ecran. On peut a Notre rigueur se penser que nos paroles ou nos images proviennent d’individus ayant une vision deformee d’la realite, mais la prise de distance est plus complexe, car des jeunes seront personnellement engages dans l’interaction. Et quand on s’est expose en acceptant d’etre le support des fantasmes d’autrui et que l’on en est blesse, il est impossible d’effectuer machine arriere. Au-dela des possibles utilisations pedophiles de Yellow, la consequence majeure de cette application reste donc de affirmer etre apte a entrer dans une relation ouvertement sexuelle a 1 age ou on ne l’est nullement.
Comment votre media comme Yellow dont l’optique initial est la rencontre entre jeunes a si vite devie en un outil de diffusion d’images pornographique ? Est-ce representatif d’une nouvelle utilisation des reseaux sociaux par nos adolescents ?
L’objectif initial de Yellow a devie, a mon sens, parce que l’application va permettre de surinvestir un criti?re de l’apprentissage d’une vie amoureuse, en eliminant totalement les autres dimensions. Je m’explique. Pour apprivoiser des relations sentimentales, nos adolescents ont mode a frimer entre eux, a afficher un usage expert une sexualite qu’ils n’ont gui?re dans les faits. Bon nombre du temps, ces outrances restent verbales et de l’ordre d’une representation sans dire i l’interieur d’un entre-soi (garcons entre eux, meufs entre elles). Sauf exception, di?s qu’ils paraissent en presence d’une personne avec qui ils seront susceptibles de s’engager dans une relation affective, ce genre de rodomontades cesse Afin de laisser place a votre nouvelle genre de relation qui releve beaucoup moins d’un rapport instrumental a autrui. Ils entrent aussi plus au domaine du sentiment. Ils se demandent ce que crois, ressent l’autre, De quelle fai§on interpreter tel ou tel propos, tel ou tel comportement, comment le/la « conquerir » etc. Mais Yellow efface l’aspect vrai qu’implique la relation de face-a-face Afin de laisser place a votre autrui que l’on reduit a une projection qui sert a se prouver que l’on reste « grand « puisque l’on sait « jouer le jeu » d’une sexualite explicite et reduite a un ratio instrumental a l’autre corps. Mes ados se disent ceci : « c’est un Tinder pour adolescents, Tinder, c’est ouvertement sexuel, donc il faudra savoir etre ouvertement sexuel via Yellow, tel ca je ferais comme des grands ». En plus, l’appli va permettre d’echanger des images et des videos ephemeres tel sur Snapchat, de fai§on qu’ils se disent qu’ils peuvent se « lacher », parce que bien cela se marche dans Yellow est cantonne a l’ephemere, au virtuel, au jeu, sans consequences. Sauf que la relation a autrui n’est jamais 1 jeu.
En tant que parents comment pouvons nous encadrer l’utilisation de ce type d’application ? Selon vous les adultes doivent-ils censurer votre outil ?
Oui, il me semble preferable d’encadrer cet outil en expliquant aux adolescents que l’espace virtuel n’est pas une zone deconnectee du monde IRL (« In Real Life »), que c’est n’est jamais un univers de fiction ou l’on va jouer a etre grand. C’est un monde ou les echanges, verbaux ou a l’aide d’images exposent et impliquent de veritables personnes, ou Notre relation a l’autre a des consequences aussi reelles qu’en face-a-face dans le monde IRL. Il me semble egalement important de leur savoir que n’importe ou, on peut i chaque fois refuser l’interaction que l’autre propose. C’est-a-dire que que dalle n’oblige a accepter d’etre le support des fantasmes d’autrui, dans notre vie numerique tel IRL.